Le Gars De L’Expo.

Il y a pas mal de monde qui attend sous une fine pluie hivernale pour rentrer à l’expo de mon peintre préféré. Le vent est froid, la file semble ne jamais avancer. Pourtant, je prends mon mal en patience : ça fait du bien de se mélanger à ceux qui partagent la même passion.
Je rentre enfin dans le beau palais parisien, je passe le contrôle de sécurité, je me fais palper par un vigile. Il fait chaud à l’intérieur, je dépose mon manteau au vestiaire. Je me rends à la billetterie, puis au portique de contrôle des tickets.
C'est là que je croise sa belle petite gueule. Quel genre de gueule ? Une trentaine d’années à tout casser, brun, la peau mate, les cheveux assez courts, plaqués au gel ; avec en bonus, un petit regard pétillant, bien coquin, un regard que je ne peux m'empêcher de chercher, quand nos doigts se frôlent lors du contrôle du billet, un regard que je rencontre facilement ; c’est un regard qui, pendant un instant furtif mais intense, aimante le mien et s'aimante au mien.
Le mec n’est pas hyper musclé, mais son pull noir près du corps laisse quand-même deviner un très joli corps.
« Bonne visite » il me lance, avec une voix douce et charmante.
Je fais la visite, je me plonge dans ma passion ; et pendant une bonne heure, j'oublie le beau petit brun.
Je sors de l’expo, il est toujours là. Et lorsque je cherche son regard, à nouveau je le rencontre facilement ; et c’est toujours le même regard : un regard qui, pendant un instant, aimante le mien et s'aimante au mien. Avec, cette fois-ci, l'esquisse d'un petit sourire plutôt malicieux.
Je n'en déduis rien mais je me pose quand même des questions. Pourtant, très vite, je finis par me dire que je me fais des films.
Alors, autant oublier tout de suite. J’avance vers la boutique, je feuillète des bouquins de peinture. Je craque pour l’un d’entre eux ; je passe en caisse, je paie en espèces, le vendeur met une éternité à me rendre la monnaie.


Je redescends l'escalier pour me rendre au vestiaire et récupérer ma veste.
Et qui je vois en bas des escaliers, en train d'avancer vers le pipi room, qui se situe juste après les vestiaires ? Le beau petit brun charmeur.
Je ne peux m’empêcher d’hâter mon pas pour le suivre. Le mec s’arrête à la billetterie (je me suis peut-être trompé, il ne va pas aller au pipi room) ; je ralentis mes pas, je le fixe instamment, le beau gosse me capte ; je cherche son regard, je le rencontre facilement, une nouvelle fois il aimante le mien et il s'aimante au mien. Avec, ce coup-ci, un petit sourire vraiment malicieux.
Lorsqu’il repart, c’est finalement en direction des toilettes. Je ne peux m'empêcher de continuer à le suivre.
Il passe la porte du pipi room, il rentre dans une cabine ; il laisse trainer un regard bien coquin, il me voit débarquer à mon tour ; il rabat la porte mais ne la verrouille pas.
Je ne sais pas quoi penser, je ne sais pas quoi faire. J'ai cru comprendre quelque chose, mais je ne suis pas sûr, je ne peux pas y croire ; c’est trop gros, trop beau pour être vrai ; et je ne veux pas non plus tromper celui qui me rend heureux à Marseille.
Mais ce mec, putaaaaaaaaain, cette petite gueule sexy, ce sourire ! Il y a de quoi se damner !
Sans vraiment réfléchir, je vais à un lavabo, j’ouvre l’eau, je glisse mes mains sous le jet d’eau, j’attends ; j’attends, je ne sais pas vraiment quoi, pourtant j’attends, sans jamais quitter des yeux cette porte non verrouillée, située juste derrière moi.
Plus les secondes passent, plus je me dis que je ne vais pas oser. et que de toute façon, je me suis encore fait des films.
Puis, la porte s'entrebâille. Et son regard me percute, m’attire, m'aimante, me déboussole ; mes pieds bougent seuls, je me retrouve devant la porte de la cabine à nouveau rabattue mais toujours pas verrouillée. Je la pousse, je rentre dans le petit espace ; le beau gosse est derrière la porte, il me sourit, il a déjà la braguette ouverte, il a un slip noir, il verrouille la porte et il descend le slip dans la foulée.
Il en sort une jolie queue bien montée malgré qu'elle soit encore mi molle.
Je pose mon achat sur le réservoir des toilettes, je suis à genoux devant cette queue à la peau mate, elle grossit instantanément entre mes lèvres et sous les caresses de ma langue. Pendant que je le pompe, j'ouvre mon pull à capuche, et c’est tout naturellement que le beau gosse glisse une main dans le col de mon t-shirt, pour aller titiller mon téton. C’est tout ce que j'aime.
Je n'arrive encore à croire ce qui est en train de se passer, avec un si beau mec, dans cette situation. Je prends vite goût à cela, et j’en oublie aussi vite mes états d'âme.
Tout est parfait, ou presque : je voudrais juste lui dire que je veux bien le faire jouir mais je ne veux pas qu'il vienne dans ma bouche (c'est pas l'envie qui me manque, mais je dois me protéger, moi et celui qui partage ma vie); mais je ne peux pas m'arrêter de lui faire plaisir, c'est un bonheur indescriptible que de sucer ce bogoss sexy à mourir ; qui, en plus, seconde mes va et vient avec des petits coups de reins bien agréables.
Puis, au bout de quelques secondes à peine, peut-être une minute à tout casser, je sens sa main se poser sur mon épaule et me repousser doucement : son bassin s'éloigne, sa queue quitte ma bouche.
Je le vois remonter son slip et y cacher dedans, non sans difficulté, sa queue tendue.
Je suis étonné, déçu, frustré.
« C'est tout ? » je ne peux m'empêcher de lui demander.
« Je travaille... » il me rétorque.
« Allez, encore un peu... » j'insiste.
Il fait non avec la tête, avec son sourire bien sexy, bien allumeur.
Je le regarde remonter son jeans, fermer sa braguette, agrafer sa ceinture. Je comprends que je n’aurai pas plus, je renonce à insister, mais vraiment à contrecœur.
« Reste ici... » il me lance, alors qu'il quitte la cabine avec précipitation.
Le beau gosse vient de partir, je verrouille la porte et je reste planté là, comme un con, à me tourner en boucle dans ma tête les images de ces quelques instants magiques et coupables.

Je me demande à quel moment s'est dessinée son intention à mon égard, et aussi pourquoi il n’est pas allé au bout de cette intention ; j’en viens à me demander s’il n’a pas été déçu de ma façon d’essayer de lui faire plaisir, et même si je sais encore faire plaisir à un garçon avec ma bouche ; ou alors, s’il a été déçu en me voyant de près, agenouillé devant sa virilité.
Et en admettant que son départ « avant la fin » ce ne soit vraiment qu’à cause de son taf, à quoi ça rime d’amorcer le désir, en sachant de ne pas disposer du temps nécessaire pour le satisfaire ?
Lorsque je me décide enfin à sortir de la cabine, je ne peux m’empêcher de remonter à la boutique de l’expo : le beau brun est revenu à son poste, et il est en train de valider des nouveaux visiteurs, comme si de rien n’était. Je croise furtivement son regard une toute dernière fois, mais je n’insiste pas, je ne veux pas l'agacer.
Je quitte le palais en me repassant en boucle ces quelques instants de bonheur inattendu, le cœur serré par cette frustration qui garde intact le désir et qui limite ma culpabilité.
Mais, au fond, quel est le mal dans le fait d’avoir saisi l'opportunité depuis si longtemps désirée, rêvée, inespérée de vivre un tel fantasme ? Quel est le mal dans le fait d’avoir voulu savoir ce que ça fait d'"exister", d’avoir attisé le désir, ne serait-ce que pendant quelques instants furtifs, dans la vie d'un tel beau gosse ?
Car même si au final, son geste ne devait être que celui d’un petit allumeur dont le plus grand plaisir est se sentir désiré, qui aime chauffer, chauffer et laisser en plan, cet instant a été délicieux.
Je marche dans Paris en portant avec moi ce cadeau d'un instant qu'un pareil beau gosse a bien voulu m'offrir.
Pourtant, ce goût d’inachevé m’est insupportable.
Ainsi, le lendemain, mon dernier jour à Paris, je renonce à une dernière visite pour traverser la ville et tenter de retrouver le petit beau brun ; j’ai tellement envie de terminer ce que nous avons commencé la veille que je suis prêt à prendre un nouveau ticket à 20 balles, juste pour l’approcher et lui faire comprendre, je ne sais pas bien comment d’ailleurs, que j’ai vraiment envie de plus.

Hélas, au portique de contrôle des tickets, ce n’est pas le beau petit brun, mais une nana.

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